Deux ex ministres de Compaoré favoris

Ouagadougou, 6 nov 2015 (AFP) – Burkina-politique-élections-opposition

Ironie de l’histoire: Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré, les deux favoris à la présidentielle du 29 novembre au Burkina Faso, la première élection depuis la chute de l’ex-président Blaise Compaoré désormais honni, sont considérés comme des produits de ses 27 années au pouvoir.
Les deux hommes, que les observateurs voient s’affronter au second tour, sont des anciens barons du régime qui s’est écroulé à l’issue de l’insurrection d’octobre 2014 provoquée par la volonté de Compaoré de modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir.
Tous deux, spécialistes en économie, il sont en lice avec 12 autres candidats dont l’ancien ministre des Affaires étrangères, Ablassé Ouédraogo, autre figure du Compaorisme.
Roch Marc Christian Kaboré, banquier de 58 ans au physique imposant, a été un apparatchik du régime qui a connu une ascension fulgurante. Il n’a abandonné le « beau Blaise » qu’en janvier 2014, dix mois avant sa chute.
RMCKPlusieurs fois ministre, M. Kaboré a été Premier ministre de Compaoré au lendemain de la dévaluation du franc CFA de 1994 à 1996. Député du parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), il en a été le patron pendant plus de dix ans.
Ce personnage affable est présenté comme un homme modéré adepte du consensus. Ses détracteurs l’accusent de manquer de personnalité.
Alors considéré comme le plus probable successeur de Compaoré, M. Kaboré est brusquement tombé en disgrâce en 2012 lorsqu’il a été éjecté de la direction du CDP et confiné au rang de « conseiller politique ».
Ce catholique pratiquant a claqué la porte du CDP en janvier 2014 pour fonder le Mouvement du peuple du progrès (MPP) avec d’autres anciens caciques du régime.
Pourtant, Kaboré avait été un défenseur invétéré du projet de modification de la Constitution qui devait permettre à Compaoré de briguer un nouveau mandat. Il avait même déclaré que l’interdiction de la modifier était « antidémocratique ».
En 2014, il s’est retourné contre +son+ projet pour mener le combat qui a abouti à la chute de Compaoré huit mois plus tard.

– ‘Du Compaoré sans Compaoré’ –

Convaincu que « la social-démocratie est la voie pour le développement » du Burkina, M. Kaboré a réussi à fédérer derrière son MPP une vingtaine de petits partis d’obédience socialiste et même un parti sankariste, qui défend les idéaux du « père de la révolution » burkinabè, Thomas Sankara.
Pour de nombreux observateurs, son expérience à la tête de l’Etat et les moyens « colossaux », selon des proches, dont il dispose devraient lui permettre de remporter le scrutin, peut-être même dès le premier tour.
Son principal adversaire, Zéphirin Diabré, est lui aussi issu d’une famille catholique. Docteur en sciences de gestion de l’Université de Bordeaux, il a entamé une brève carrière d’assistant à l’université de Ouagadougou avant de passer au privé avec les Brasseries du Faso (Brakina) du groupe français Castel. Député du parti de Compaoré en 1992, il devient plusieurs fois ministre.
Considéré comme un libéral, il est à la baguette quand le Burkina revient à l’économie de marché après les années socialistes. Il a notamment encadré les privatisations des entreprises publiques en tant que ministre de l’Economie et des Finances.
Président du Conseil économique et social (CES), il devient numéro 2 du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) grâce au soutien diplomatique de Compaoré. Il entre ensuite au groupe nucléaire français Areva dont il dirige la branche Afrique et Moyen-Orient.
En 2009, il créé une association, le Forum des citoyens pour l’alternance (Focal) puis en 2011, l’Union pour le progrès et le changement (UPC), un parti néolibéral avec lequel il arrache 19 sièges de députés pour sa première participation à un scrutin.
Chef de file de l’opposition, il prend la tête du mouvement contre la modification de la Constitution qui a balayé le régime.
Selon de nombreux observateurs, son origine Bissa (ethnie minoritaire du sud-est) pourrait être un handicap dans un pays majoritairement Mossi (53%).
Il assure vouloir un « vrai changement » en opposition à Kaboré qu’il accuse de faire du « Compaoré sans Compaoré ».
Ironie encore, de nombreux observateurs estiment que beaucoup de partisans de Compaoré pourraient voter pour Diabré pour empêcher Kaboré et les siens, considérés comme des traîtres, de l’emporter.

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